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L’invasion et menace du prosopis à Djibouti   

Origine, menace et lutte contre le prosopis.

Auteur : Hélène Abdourazak Mohamed / Deksane Djilani Moussa / Robleh Elmi Farah

Enquête : -> Les enjeux de la biodiversité dans ma région/mon pays

Pays : Djibouti

Lieu : Djibouti

Langue : Français

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Le prosopis, introduit à Djibouti pour lutter contre l'érosion et améliorer le fourrage, est devenu une menace environnementale. Malgré des intentions initiales positives, cette plante invasive a envahi le pays, colonisant des terres arides et semi-arides. Elle pose de sérieux problèmes écologiques, tels que la réduction de la biodiversité, la perturbation des habitats naturels et l'allélopathie, en plus de nuire à l'agriculture et à l'élevage. Les impacts socio-économiques sont également préoccupants, affectant la santé publique, l'accès à l'eau et les moyens de subsistance des communautés locales. Pour lutter contre cette menace, des mesures d'éradication manuelle, d'utilisation de machines, et de coopération régionale et internationale sont nécessaires, ainsi qu'une valorisation économique du prosopis pour des utilisations comme l'alimentation animale ou la construction.

Le prosopis, un arbre autrefois accueilli à Djibouti pour ses promesses de lutte contre l'érosion des sols et d'amélioration du fourrage pour le bétail, est devenu une source croissante de préoccupation dans le pays. Son introduction, bien que motivée par des intentions louables, a donné naissance à une invasion écologique aux conséquences désastreuses. Dans cet article, nous explorons les origines de l'invasion du prosopis à Djibouti, les facteurs qui ont favorisé son expansion et les défis posés par sa présence persistante, et les moyens de lutter et d’utilisation valorisante cette plante invasive.

I- Contexte de l’invasion du prosopis à Djibouti

A- Origine et introduction du prosopis à Djibouti.

D'abord une plante accueillie comme une solution potentielle à l'érosion des sols et à la fourniture de fourrage pour le bétail dans un environnement aride, le prosopis a été initialement planté dans le cadre de programmes de reboisement et de lutte contre la désertification. L’apparition du prosopis (le « mesquite ») à Djibouti date des années 70 selon deux hypothèses : une introduction ponctuelle dans un jardin pour un usage de brise-vent ou un semis directement par avion dans la région d’Ambouli par un pilote militaire. Cependant, son introduction, qu'elle été volontaire ou accidentelle, a rapidement conduit à des problèmes. Car depuis son introduction, le prosopis s'est propagé de manière exponentielle à travers le pays, colonisant des terres autrefois arides et semi-arides. Cette expansion a été alimentée par plusieurs facteurs clés.

B- Facteurs favorisant l'invasion du prosopis

Premièrement, l'adaptabilité remarquable de l'espèce aux conditions environnementales arides de Djibouti a joué un rôle crucial. Le prosopis a démontré une capacité exceptionnelle à survivre et à prospérer dans des environnements où peu d'autres espèces végétales peuvent subsister.Le Prosopis juliflora de son nom scientifique a pour caractéristique de pousser rapidement dans des environnements arides et se développe bien dans des zones qui reçoivent moins de
250 mm de précipitation annuelle ce qui est le cas sur quasiment l’ensemble du territoire national.

Comme les autres espèces de Prosopis il ne dépend pas entièrement des pluies pour ses besoins en eau et exploite les disponibilités hydriques souterraines grâce à sa capacité d’enracinement profond. Les espèces de Prosopis comme le juliflora prospèrent sur des sols infertiles ou dégradés et tolèrent la salinité et les sols alcalins.
Les sites de Djibouti où l’espèce se développe sont nombreux voici une liste non exhaustive : Douda et zone côtière sud-est notamment a Damerjog ou est situé notre lycée, la région d’Ali-Sabieh, la plaine du Goba-ad, Gamarré, la plaine du Hanlé/Agna, la plaine du Gaggadé (tout début, quelques individus), la région Khalaf-Tadjoura, et la région d’Obock.
Par ailleurs la transhumance du bétail qui est les déplacements des troupeaux vers les meilleurs pâturages pourrait avoir contribué à cet établissement par l’importation dans la zone de gousses du prosopis. Les arbres ont donc probablement été disséminés par les troupeaux (chèvres, moutons, chameaux), l’élevage étant le principal moyen de subsistance dans la zone.
A l’heure actuelle, les différentes forêts de prosopis qui se sont créée récemment s’étend sur plusieurs centaine d’hectares. Elle a causé de graves problèmes, non seulement pour les agriculteurs mais aussi habitant de Damerjog et de Douda et les différents villages au alentours, qui ne peuvent plus se déplacer aisément car le prosopis coupe les pistes et détourne les Oueds de la région à cause de ces fourrées denses.
Deuxièmement, l'absence de prédateurs naturels et de parasites spécifiques dans la région a permis au prosopis de proliférer sans contrainte. Contrairement à ses habitats d'origine, où des mécanismes de régulation biologique limitent sa croissance, le prosopis à Djibouti n'a pas de freins naturels à son expansion.Enfin, les changements climatiques, tels que l'augmentation des températures et la diminution des précipitations, ont créé des conditions plus favorables à la propagation du prosopis. Les pays de la région comme l’Éthiopie la Somalie et le Yémen sont confrontent à une invasion similaire de prosopis, avec des effets dévastateurs sur les terres agricoles et les moyens de subsistance des communautés locales.

II- L’impacts écologique et socio-économique de l’invasion du prosopis
L’invasion du prosopis, à Djibouti a des répercussions profondes sur les écosystèmes locaux et les communautés qui en dépendent.

A- Perturbation de l’écosystème local

Réduction de la biodiversité : Dans la région de Tadjourah, l’envahissement du prosopis a entraîné la disparition de nombreuses espèces végétales indigènes, telles que l’Acacia tortilis utilisée par beaucoup de phytophage sauvage et les bétails et le Salvadora persica dont les racines sont utilisées comme brosse à dents naturel (caday) par beaucoup de djiboutien.
Le Ziziphus spina-christi plus connu sous le nom de jujubier dont les fruits sont comestibles et très apprécie par les enfants est compromis par l’envahissement du prosopis.

Cette réduction de la biodiversité végétale affecte directement les espèces animales qui dépendent de ces plantes pour leur alimentation et leur habitat. Par exemple, la disparition de l’Acacia tortilis prive les gazelles d’une source de nourriture essentielle, entraînant une diminution de leur population.

L'allélopathie du prosopis fait référence à la capacité de l'arbre du prosopis à libérer des composés chimiques dans son environnement qui inhibent la croissance d'autres plantes à proximité. Ces substances chimiques peuvent supprimer la germination des graines ou ralentir la croissance des plantes concurrentes, ce qui donne à l'arbre prosopis un avantage compétitif dans son écosystème. Donc il utilise ces substances chimiques pour se développer plus que les autres plantes causant une menace pour toute la biodiversité.

Modification des habitats naturels : Dans la vallée de l’Awash a proximité du Lac Abbe, le prosopis a envahi les zones humides, transformant radicalement ces habitats naturels. Avant l’invasion, ces zones étaient vitales pour de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs, tels que les flamants roses et les ibis. Cependant, avec la prolifération du prosopis, ces oiseaux ont perdu leurs zones de reproduction et de nourrissage, compromettant ainsi leur survie à long terme.

B- Conséquences socio-économiques  

Impacts sur l’agriculture et l’élevage : À Arta et sous localité comme à Douda et Damerjog, l’invasion du prosopis a eu des répercussions désastreuses sur l’agriculture et l’élevage. Les terres agricoles ont été envahies par cette plante, réduisant ainsi les zones cultivables disponibles. Par conséquent, les agriculteurs ont vu leurs rendements diminuer, compromettant leur sécurité alimentaire et leur revenu.
Aujourd'hui, le prosopis envahit des terres fertiles autrefois utilisées pour l'agriculture, réduisant la productivité des sols et compromettant la sécurité alimentaire des populations locales. Les communautés rurales dépendantes de l'agriculture sont confrontées à des difficultés croissantes en raison de la compétition avec le prosopis pour les ressources limitées en eau et en nutriments du prosopis. L'invasion du prosopis à Djibouti et la sous régions souligne l'urgence d'adopter des stratégies de gestion et de contrôle efficaces pour faire face à cette menace écologique croissante.

En plus de réduire les surfaces de pâturage pour le bétail et affectant la disponibilité de l’herbe pour leur alimentation le prosopis pose plusieurs risques pour le bétail. D'une part, ses graines peuvent être toxiques si elles sont consommées en grande quantité. Les éleveurs de certaines régions ont signalé des problèmes digestifs et des dommages aux organes internes chez leurs animaux après avoir consommé des fruits de Prosopis.
Cette réduction de la diversité alimentaire entraîne une malnutrition chez le bétail, conduisant à une perte de poids et, dans les cas les plus graves, à la mort des animaux.
L'amaigrissement du bétail a des conséquences économiques sérieuses pour les éleveurs. La diminution de la production de viande et de lait, ainsi que les coûts supplémentaires liés au traitement médical des animaux malades, affectent directement les moyens de subsistance des éleveurs et de leurs familles. Pour ceux qui dépendent du bétail pour leur subsistance, le Prosopis représente une menace réelle.
De plus, les épines acérées des arbres peuvent blesser les animaux qui s'aventurent trop près. Ces blessures peuvent entraîner des infections et des complications de santé qui nuisent à la production de viande et de lait.

Outre le prosopis cause des problèmes de santé publique liés à l’allergie au pollen : À Djibouti-ville, pendant la saison de floraison du prosopis, de nombreux résidents souffrent d’allergies causées par le pollen de cette plante. Ces allergies saisonnières provoquent des symptômes tels que des éruptions cutanées, des démangeaisons et des difficultés respiratoires, impactant ainsi la qualité de vie des habitants et augmentant la demande de soins de santé.


L’autre problème majeur du propos c’est qu’il a une influence sur les ressources en eau notamment dans la région de Dikhil, l’invasion du prosopis a exacerbé les problèmes de pénurie d’eau déjà présents. Cette plante absorbe de grandes quantités d’eau du sol, réduisant ainsi la disponibilité de l’eau pour l’irrigation des cultures et la consommation humaine. Cette situation met en péril la sécurité alimentaire et hydrique des populations locales, les obligeant à rechercher des solutions alternatives pour répondre à leurs besoins en eau.



III- Lutte contre l'invasion du prosopis : Des solutions innovantes et mesure d’atténuation

Pour lutter contre cette invasion, des mesures variées sont mises en place, allant de l'éradication manuelle à la coopération régionale et internationale.


A- Contrôle et gestion de l’invasion du prosopis

Éradication manuelle

L'éradication manuelle est l'une des approches les plus courantes pour lutter contre le Prosopis. Cette méthode consiste à retirer physiquement les arbres et arbustes envahissants. Bien que laborieuse, elle peut être efficace pour des zones de taille modeste. Les éleveurs, souvent en collaboration avec des volontaires ou des organisations locales, utilisent des outils comme des haches, des scies et des tronçonneuses pour couper les arbres au niveau du sol. Les racines profondes du Prosopis nécessitent parfois un travail supplémentaire pour éviter la repousse, ce qui rend cette méthode exigeante en termes de main-d'œuvre.

Utilisation de machines pour Déchiqueter les Arbres

Dans les régions où le Prosopis a envahi de vastes étendues de terre, l'utilisation de machines spécialisées est une solution plus efficace. Les machines déchiqueteuses peuvent abattre et réduire les arbres en copeaux, facilitant leur élimination ou leur recyclage.
D’ailleurs en 2018 l’agence l’ADDS (Agence Djiboutienne de Développement Social) en partenariat avec le gouvernement chinois en entrepris une vaste opération défrichage du prosopis pour rouvrir certaines voie d’accès du village de Cheik Farah pour que les élèves puissent venir au collège et lycée de Damerjog. Néanmoins cette approche nécessite des investissements en équipements et peut être coûteuse, mais elle permet de traiter de grandes zones en peu de temps.

Sensibilisation et éducation

La sensibilisation des communautés locales aux dangers du Prosopis et aux moyens de lutter contre son invasion est essentielle. Les programmes de sensibilisation peuvent inclure des ateliers, des sessions de formation, et des campagnes d'information pour aider les éleveurs et les agriculteurs à comprendre les risques associés au Prosopis. Les autorités locales, en partenariat avec des organisations agricoles et environnementales, jouent un rôle crucial dans la diffusion de ces informations.

Introduction de Plantes Fourragères Résistantes

L'introduction de plantes fourragères résistantes qui peuvent concurrencer le Prosopis est une autre stratégie pour contrôler son expansion. Ces plantes, souvent indigènes ou bien adaptées à la région, peuvent aider à restaurer la biodiversité des pâturages tout en fournissant une source de nourriture pour le bétail. Les chercheurs agricoles travaillent sur des espèces végétales qui peuvent survivre dans des conditions arides et se développer en concurrence avec le Prosopis.



B- Utilisation valorisante du prosopis et renforcement des coopérations régionales

Valorisation des utilisations économiques du prosopis :
Une valorisation des produits dérivés du prosopis est encouragée, notamment son bois, ses graines et ses feuilles, offrant ainsi des débouchés économiques durables pour les populations locales. Des chaînes d'approvisionnement transparentes sont établies pour garantir la durabilité de son exploitation.

Alimentation animale : Les gousses de prosopis mélangent à des herbe sèche moulu en farine sont consommées comme aliment et constituent une source de protéines utilisées pour nourrir le bétail.

Construction : Le bois de prosopis est utilisé dans la construction de maisons traditionnelles telles que toukoul ou des clôtures pour les terrains agricoles et les ferme.

L’alimentation humaine : Les fruits du mesquite, des gousses comestibles, constituent une base dans le régime alimentaire de plusieurs populations notamment amérindien d’Amérique du Nord. Ils contiennent, en effet, des graines plates, ressemblant aux haricots, séparées par une pulpe spongieuse particulièrement riche en éléments nutritifs.

Coopération Régionale et Internationale

La coopération régionale et internationale est essentielle pour partager des connaissances et des ressources afin de lutter contre le Prosopis. Les pays touchés par cette invasion travaillent ensemble pour échanger des stratégies de gestion, des techniques d'éradication, et des données scientifiques. Cette coopération contribue à renforcer les efforts locaux tout en favorisant une approche coordonnée à l'échelle mondiale. Grâce à une approche globale et collaborative, les éleveurs et les agriculteurs peuvent espérer un avenir où le Prosopis ne sera plus une menace constante.

Le Prosopis juliflora, une espèce invasive originaire des Amériques, constitue une menace importante pour la biodiversité à Djibouti. Introduite pour le contrôle de l'érosion et le reboisement, cette plante s'est répandue de manière incontrôlable, formant des fourrés denses qui dominent les écosystèmes locaux.

En conclusion cette invasion du prosopis à Djibouti a causé une réduction de la biodiversité, une perturbation des écosystèmes, des risques pour le bétail et des difficultés pour l'agriculture.
Pour contrer cette menace, différentes mesures sont proposées, comme l'éradication manuelle, l'utilisation de machines déchiqueteuses pour les zones fortement envahies, et la sensibilisation des communautés locales aux risques du prosopis.
De plus, des efforts de coopération régionale et internationale sont nécessaires pour partager des stratégies de gestion efficaces. La valorisation économique du prosopis, notamment par l'utilisation de son bois ou de ses fruits, peut également aider à atténuer ses effets négatifs.
L'approche globale pour lutter contre le prosopis nécessite des efforts coordonnés pour réduire son impact, soutenir les communautés locales, et rétablir des écosystèmes plus diversifiés.


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